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Festival de Cannes : L’Été dernier de Catherine Breillat, présenté en sélection officielle

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Un retour tant attendu, en compétition officielle cannoise sans doute, pour la réalisation de Catherine Breillat, réalisatrice de 74 ans qui occupe une place quasi unique, par sa liberté d'esprit et sa libération sexuelle, dans le cinéma français.

Un retour tant attendu, en compétition officielle cannoise sans doute, pour la réalisation de Catherine Breillat, réalisatrice de 74 ans qui occupe une place quasi unique, par sa liberté d’esprit et sa libération sexuelle, dans le cinéma français.

D’une part, aucun film vu cette année ne flirte avec un tel éclat de mise en scène sur la crête des intensités esthétiques, sentimentales et sexuelles. D’autre part, il suscite des débats très engagés parmi les festivalier·ères, sur le caractère supposément problématique de l’œuvre et de son autrice.

L’été dernier marque un retour en excellente forme pour la réalisatrice, qui y signe son meilleur film depuis A ma soeur.

L’aventure se déroule majoritairement dans une maison cossue, beau jardin, brise d’été sur la peau des femmes, Mercedes 500 cabriolet garée sur le gravier. Une famille recomposée de la bourgeoisie s’adonne à la vie telle qu’elle se déroule dans ce milieu.

Anne (Léa Drucker) est avocate spécialisée dans la protection de l’enfance et Pierre (Olivier Rabourdin) est un chef d’entreprise bouleversé par un contrôle fiscal. Deux charmantes petites filles. De même la sœur d’Anna, Mina (Clotilde Courau), une coiffeuse qui n’a de cesse d’humilier son ex-mari. Tout va mal, du moins jusqu’au moment où Théo (Samuel Kircher), le fils de Pierre, le perd de vue suite à une rupture difficile. Ce dernier compte bien rattraper le temps perdu en l’invitant à venir vivre chez eux.

Face à Théo, le fils grincheux qui au premier abord n’est qu’un bloc désirable, il fait une apparition (on ne voit que son torse nu), la belle-mère est un bloc de justice et d’intégrité auquel on ne se fait pas. Pourtant, les blocs sont faits pour s’effondrer et, comme souvent chez la réalisatrice Catherine Breillat, la bravade des personnages révèle peu à peu une  blessure crue et  émotionnelle. Encore une fois pour la réalisatrice, la vie sexuelle est un parcours du combattant, un jeu de bluff opposant le charme insolent de la jeunesse à l’expérience brutale des initiés. Au Festival de Cannes, “L’été dernier” n’est pas le seul à parler de relations intergénérationnelles (on peut citer May December ou Un prince), mais Catherine Breillat dessine sa propre morale : faire payer les garçons en apprenant aux filles à prendre des armes, qu’il s’agisse de poursuivre leurs agresseurs en justice ou de faire jouer les filles avec des armes.

Toutes les scènes de sexe sont extrêmement vastes dans ce qu’elles révèlent sur la façon dont deux corps se parlent tout en faisant l’amour. Rarement un metteur en scène aura réussi à capter la puissance érotique des sanglots échangés par deux amants se laissant pénétrer par leur désir. L’été dernier est un film renversant, plus qu’un film avec des mots, c’est même un film qui évite les mots, préférant le silence. En plus de la scène finale où le mari dit à sa femme de garder ses aveux pour elle, il y a aussi cette scène sublime où les deux amants racontent leurs horreurs alors que leurs yeux se remplissent de larmes.

L’été dernier est peut-être brutal, mais c’est aussi un film plein de détails amusants et granuleux comme ça. Catherine Breillat s’efforce de montrer les contradictions de ses personnages avec des effets de montage malicieux ou des dialogues trop raisonnables et réels pour être honnêtes, et le jeu ivre de Léa Drucker correspond parfaitement à cet humour inattendu.

C’est plutôt un film amoureux et attentif aux formes de langage autres que la parole, et qui parle le langage du cinéma mieux que tout autre film vu cette année.

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