Les dirigeants des 27 ont conclu mardi à l’issue d’un sommet marathon un accord historique sur un plan de relance post-coronavirus, basé pour la première fois sur une dette commune, et vont maintenant devoir trouver de nouvelles ressources pour financer son remboursement.
Après ce sommet marathon européen de plus de 90 heures, l’Italie est la grande gagnante, repartant avec plus de 200 milliards d’euros de soutiens financiers, une bouffée d’oxygène mais insuffisante pour combler la chute vertigineuse du PIB italien. Pour Giuseppe Conte, »l’accord préserve la dignité des Italiens et représente la meilleure entente possible ainsi qu’une victoire historique pour l’Europe ». Au total, la péninsule a reçu 209 milliards d’euros d’aides dont 81,4 milliards de subventions (400 millions moins que prévu) et 127,4 milliards de prêts (36 milliards plus que prévu).
Durant 5 jours de négociations intenses, le président français a monté le ton, le dirigeant hongrois a brandi la menace d’un veto, La Haye et Vienne ont longtemps résisté contre des aides trop généreuses à leur goût.
Concernant les économies européennes, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, a salué une « UE qui se rassemble et progresse », contrairement à la jeune militante pour le climat, Greta Thunberg, moins enthousiaste, qui a critiqué les « vagues objectifs environnementaux lointains et incomplets ».
Pour le président français, Emmanuel Macron, ardent défenseur du plan avec la chancelière Angela Merkel, « une étape majeure a été franchie ». Il s’agit d’une « réponse à la plus grande crise de l’UE depuis sa création », a ajouté l’Allemande dont le pays préside actuellement l’Union.
Le président du Conseil européen Charles Michel, s’est réjoui de ce « signal envoyé aux Européens et au reste du monde », tout en appelant à « garder la tête froide car il faut le mettre en œuvre ».
Le fonds de 750 milliards d’euros est prévu pour soutenir l’économie européenne pour affronter une récession historique. Ils sera emprunté par la Commission sur les marchés et se compose de 390 milliards de subventions (312,5 milliards auxquels s’ajoutent 77,5 milliards, répartis en différentes lignes du budget pluriannuel) allouées aux États les plus frappés par la pandémie, une dette commune à rembourser par les 27. De plus, 360 milliards d’euros seront disponibles pour des prêts, remboursables par le pays demandeur. Ce plan est adossé au budget à long terme de l’UE (2021-2027), qui prévoit une dotation de 1074 milliards d’euros.
Cette dette commune, une première, repose sur une proposition franco-allemande, qui suscitait une farouche opposition de la part des quatre pays dits « frugaux » (Pays-Bas, Autriche, Danemark, Suède), rejoints par la Finlande. A l’issue du sommet, le premier ministre néerlandais Mark Rutte a affirmé que cet emprunt commun n’était pas le début d’une « Union des transferts » de richesses du nord au sud et qu’il s’agissait d’une opération ponctuelle, dont la nécessité est évidente compte tenu de la situation ».
Le plan dont les principaux bénéficiaires sont les pays du Sud, comme l’Italie (210 milliards), l’Espagne (140 milliards) et la Grèce (72 milliards) a été menacé par les pays « frugaux », jugeant ces pays particulièrement touchés par l’épidémie, trop laxistes en matière budgétaire par rapport à leurs partenaires du Nord. Budapest et Varsovie, dont les gouvernements sont dans le collimateur de Bruxelles ont bataillé pour édulcorer les dispositions, rendant floue la formulation du texte final.
Le plan est important, ciblé et limité dans le temps. Concernant le remboursement de la dette, il faudra créer de nouvelles sources de revenus pour l’UE, sans augmenter les contributions des États et la taxe sur le plastique non-recyclé, début 2021, ne suffira pas. La Commission a été chargée de présenter des propositions pour introduire au plus tard début 2023 un mécanisme carbone d’ajustement aux frontières et une taxe sur les géants du numérique (30 % des dépenses engagées devront cibler le changement climatique afin d’atteindre l’objectif d’une neutralité carbone en 2050). Les critères retenus pour déterminer le montant de la subvention allouée pour 2021-2022 sont ceux définis par la Commission, basés sur le taux de chômage durant la période 2015-2019; pour 2023, ce sera l’ampleur de la récession causée par le Covid-19 en 2020, laquelle sera recalculée ensuite en agrégeant les années 2020 et 2021.
Voici les 6 points importants du plan de relance concernant pour la première fois, l’emprunt par la Commission au nom de l’Union européenne et la répartition des fonds entre des prêts et des subventions accordés aux différents Etats:
- 1 – Des subventions généreuses et inédites
- 2 – Un contrôle communautaire assoupli
- 3 – L’Etat de droit comme condition
- 4- Des rabais en hausse
- 5 – Des ressources propres à développer pour rembourser l’emprunt
- 6 – 40 milliards de subventions pour la France
Chaque pays demandeur d’une aide financière doit préparer un plan de relance qui décrit les réformes et les investissements souhaités pour la période 2021-2023 (valorisation de la croissance, création d’emplois et résilience sociale de l’état).
Malgré le droit de véto que souhaitaient les pays frugaux, le Conseil a approuvé à la majorité qualifiée la proposition de la Commission en imposant toutefois des objectifs à tenir pour débloquer les fonds. En cas de violation de l’état de droit et de la démocratie (La Pologne et le Hongrie par exemple, visées par des procédures pour atteinte à l’indépendance de la justice et des médias, selon Bruxelles), le versement d’aides pourra être suspendu, une première dans l’histoire de l’UE.
Certains pays membres ont du faire des concessions malgré l’insistance de la France et d’autres pays, les rabais accordés aux pays frugaux ont été maintenus même relevés par rapport à ce qui avait été prévu avant le sommet. Entre 2021 et 2027, la contribution annuelle basée sur le Revenu National Brut du Danemark, de l’Allemagne, des Pays-Bas, de l’Autriche et de la Suède sera réduite de 2021 à 2027. La France va payer en partie la facture alors que le rabais de 3,67 milliards accordé à l’Allemagne n’a pas évolué avec la négociation.
En développant ses propres ressources, l’UE pourra rembourser l’emprunt communautaire devant financer le plan de relance par les revenus générés. Pour le moment, seul le lancement dès 2021 d’une taxe sur les plastiques à usage unique a été acté en lien avec le « pacte vert ».
La taxe Gafa, une taxe carbone aux frontières (pour préserver la compétitivité des industries européennes appelées à diminuer leurs émissions) et une réforme des actuels « marchés à polluer » (Emission Trading System, ETS) seront débattues en 2021 lors de la présentation des propositions de la la Commission européenne. Cette dernière pense accroître ses revenus de plus de 30 milliards d’euros par an via ces dispositifs visant aussi à soutenir sa souveraineté en implantant la taxe Gafa et la taxe carbone d’ici 2023 et une relance de la Taxe sur les transactions financières (TTF).
Concernant les 40 milliards alloués à la France sur les 390 milliards de subventions, le ministre de l’économie pense les ajouter à l’intérieur des 100 milliards prévus pour financer les grandes priorités du plan national sur 2 ans présenté le 24 août prochain dont 30 % pour les dépenses climatiques, tant pour les financements européens que nationaux.
Grâce à ces 40 milliards, des chantiers multiples pourront être financé: du développement des nouvelles technologies (plan hydrogène, filière recyclage) à la rénovation thermique (écoles et Ehpad) en passant par la baisse des impôts de production pour le soutien aux entreprises, un vaste plan pour l’emploi des jeunes (exonération des charges), ou encore la réhabilitation des petites lignes de chemins de fer et le développement du fret ferroviaire.
Le Président de la République maintient qu’il n’y aura pas de nouvel impôt et que le contribuable français n’aura pas à participer au remboursement de l’aide européenne.