La France veut renforcer son poids militaire dans l’Indo-Pacifique
France et Japon conviennent d’entamer des discussions sur un accès militaire réciproque.
La France et le Japon, les alliés du G7, ont mené un certain nombre d’exercices militaires conjoints ces dernières années – dans un cadre bilatéral ou plus large -, Paris poussait depuis plus d’un an Tokyo à entamer des discussions bilatérales sur un Accord d’accès réciproque (RAA). Un tel accord établit un cadre favorisant la coopération militaire. Il permet, notamment, de faciliter l’entrée des soldats dudit pays étranger et d’équipements militaires.
Les liens militaires entre la France et le Japon sont anciens : leurs débuts remontent la mission du capitaine Jules Chanoine, qui avait été envoyée à Yokohama en 1866, pour former l’armée du shogun Yoshinobu Tokugawa. Ils se renforcèrent dans les années 1920, Paris ayant contribué à l’essor des forces aériennes nippones. Seulement, cette relation prit fin peu avant la Seconde Guerre Mondiale.
Alors doté d’une Constitution pacifiste, le Japon devint une sorte de protectorat américain… Et, en matière militaire, il entretint une relation quasiment exclusive avec les États-Unis. Cependant, l’évolution du contexte sécuritaire dans l’Indo-Pacifique, marqué par les revendications chinoises, les différends territoriaux avec la Russie (notamment au sujet des îles Kouriles) et les activités nucléaires de la Corée du Nord, a changé la donne.
Pour y faire face, le Japon augmente constamment ses dépenses militaires depuis maintenant une dizaine d’années et a modifié sa Constitution pour y inclure le concept d’autodéfense collective. En outre, il cherche à nouer des coopérations militaires avec d’autres pays que les États-Unis [comme avec l’Inde et les Philippines], voire à se rapprocher d’organisations comme l’Otan. C’est ainsi qu’il envisage de rejoindre le pacte AUKUS et qu’il a scellé un partenariat avec le Royaume-Uni et l’Italie pour développer un avion de combat de 6e génération.
La France et le Japon ont convenus jeudi 2 mai de lancer des négociations formelles sur un accord d’accès réciproque entre leurs armées, ont déclaré l’Elysée et le gouvernement japonais, dans le contexte de tensions maritimes croissantes en Indo-Pacifique et de la guerre en Ukraine. Cette annonce, qui illustre le renforcement de la coopération militaire entre les deux pays, est intervenue alors que le président français Emmanuel Macron a reçu dans la journée le Premier ministre japonais Fumio Kishida, en visite à Paris.
Emmanuel Macron et Fumio Kishida, réunis pour un déjeuner de travail, sont « convenus de renforcer la coopération stratégique et de défense entre la France et le Japon en lançant des négociations officielles en vue de la conclusion d’un accord d’accès réciproque, qui vise à favoriser l’interopérabilité » entre les armées des deux pays, a rapporté l’Elysée dans un communiqué.
Le Japon, qui abrite le plus important contingent de soldats américains déployés à l’étranger, a conclu en décembre 2022 des RAA avec l’Australie et le Royaume-Uni. Il est aussi entré en discussions avec les Philippines.
D’après le représentant japonais, il pourrait falloir environ un an pour que Tokyo et Paris scellent leur accord. Les négociations avec l’Australie avaient duré environ deux ans ; celles avec le Royaume-Uni, un an.
La France, dont des territoires et des troupes se trouvent en Indo-Pacifique, cherche à renforcer sa présence dans la région. Paris veut mettre en avant sa capacité à jouer un rôle accru dans l’industrie de Défense de Tokyo, comme c’est déjà le cas pour le nucléaire civil japonais. Le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, a fait savoir l’an dernier que Paris espérait conclure un RAA avec Tokyo.
En 2015, soit 150 ans après la mission du capitaine Chanoine, le Japon et la France relancèrent leur coopération militaire en signant un accord intergouvernemental sur le transfert des équipements et technologies de défense. Et il était question, à l’époque, d’un accord d’acquisition et de services croisés [ACSA]. Celui-ci fut finalisé trois ans plus tard, avec l’objectif de renforcer l’interopérabilité entre les forces françaises et japonaises et de faciliter leur participations à des opérations et à des exercices conjoints. Par ailleurs, les deux pays s’étaient mis d’accord pour mener des travaux communs de recherche portant sur une nouvelle technologie de détection des mines.
Il s’agit ainsi de faciliter l’organisation d’exercices conjoints [ou multinationaux] ainsi que la participation à des opérations régionales. Ainsi, dans le cadre de la mission AITO, qui vise à documenter les violations des sanctions internationales imposées à la Corée du Nord, la Marine nationale a déployé, à plusieurs reprises, un Falcon 200 sur la base aérienne nippone de Futnema.