Le 11ème acte de manifestation en France contre la réforme des retraites
À huit jours de la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites, les syndicats organisent jeudi 6 avril 2023 une onzième journée de mobilisation, espérant une nouvelle démonstration de force alors que les discussions avec le gouvernement sont dans l’impasse.
Les syndicats sont alignés le long de l’esplanade des Invalides bien clairsemée avant le départ de 14 heures. Le nombre de fonctionnaires en grève contre la réforme des retraites est légèrement remonté, le taux de grévistes dans les collectivités locales et les hôpitaux étant supérieur de 0,5 point à celui de la dernière journée de mobilisation.
Dans la fonction publique hospitalière (1,2 million d’agents), il remonte à 5,9 % contre 5,4 % lors de la précédente journée de mobilisation. En revanche, dans le plus gros versant du secteur public, la fonction publique d’État (2,5 millions d’agents), le taux de grévistes est identique à celui du 28 mars et atteint 6,5 % à la mi-journée.
Quelque 8 % d’enseignants se sont mis en grève pour cette onzième journée de mobilisation intersyndicale, a indiqué le ministère de l’éducation dans un communiqué. Dans le détail, 7,97 % d’enseignants étaient grévistes, dont 7,87 % dans le primaire et 8,06 % dans le secondaire, selon le ministère. C’est en deçà des chiffres du Snuipp-FSU, premier syndicat dans les écoles maternelles et élémentaires, qui avait estimé mercredi qu’« autour de 20 % » des enseignants du premier degré seraient en grève.
Parti de l’esplanade des Invalides en direction de la place l’Italie, le cortège parisien est passé devant le célèbre restaurant La Rotonde, où Emmanuel Macron avait célébré en 2017 sa qualification pour le second tour de la présidentielle.
Un début d’incendie s’est déclaré après le jet d’un fumigène sur l’auvent rouge, comme vous pouvez le voir dans la vidéo de notre reporter ci-dessous. Une femme à l’intérieur du restaurant a d’abord tenté d’éteindre le feu avec un extincteur. L’intervention des pompiers a ensuite permis de circonscrire rapidement les flammes.
Depuis plusieurs dizaines de minutes, le cortège syndical a été arrêté à une centaine de mètres de la brasserie La Rotonde, prise pour cible par des manifestants et protégée par les CRS. La manifestation qui était calme se déroule désormais dans un nuage de poubelles incendiées. Le black bloc fait pleuvoir des projectiles sur les policiers qui ont tenté deux charges – de gendarmes mobiles et de la BRAV-M – pour les disperser.
Une commissaire d’une compagnie d’intervention, en formation Brav (Brigade de répression de l’action violente), mais non motorisée (pas de la Brav-M donc) a par ailleurs perdu connaissance après avoir reçu un pavé sur le casque, et a été hospitalisée, selon une source policière.
En cette 11e journée de mobilisation, entre 57 000 personnes, selon la préfecture de police, et 400 000 personnes d’après la CGT, ont défilé dans les rues de la capitale. Des affrontements avec les forces de l’ordre ont éclaté sur le boulevard du Montparnasse, à hauteur de La Rotonde, un restaurant où Emmanuel Macron avait ses habitudes.
La mobilisation a rassemblé jeudi 570 000 personnes dans toute la France, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. L’intersyndicale revendique de son côté « près de deux millions » de manifestants. Lors de la précédente journée de mobilisation le 28 mars, entre 740 000 personnes, selon Beauvau, et « plus de 2 millions », selon la CGT, s’étaient mobilisées dans tout le pays.
Des blocages de lycées et de sites universitaires ont à nouveau eu lieu à Lyon, Rennes, Lille ou Paris, dont le centre de la Sorbonne de Paris 1, dans le Quartier latin, où un amas de poubelles et vélos bloquait l’accès à plusieurs entrées. L’université a informé les étudiants que les cours en présentiel sur ce site ne pourraient pas « se dérouler normalement ». L’université de droit d’Assas a été bloquée pour la deuxième fois depuis le début du mouvement.
Des actions de blocages aux portes de grandes villes ont provoqué des embouteillages jeudi matin notamment à Lyon et Rennes mais aussi autour de Brest et Caen.
Les plaques de protection de l’agence du Crédit agricole située en haut du boulevard Raspail n’ont pas résisté longtemps. Un groupe de manifestants en noir les ont arrachées, avant de fracasser ses vitres et s’engouffrer dedans, de ressortir quelques éléments du mobilier, et d’essayer d’allumer un incendie.
Les forces de l’ordre se décident à charger, dispersant l’attroupement à coups de grenades lacrymogènes, pour que les pompiers puissent intervenir. La tension baisse d’un cran, le cortège n’avance pas pour autant. La foule commente le moindre mouvement des CRS qui se sont déployés devant l’agence bancaire avant de partir en chargeant. Un CRS est blessé à la jambe.
Une centaine de pompiers français et belges ont manifesté jeudi à Paris, sous l’Arc de Triomphe, contre la réforme des retraites, avant de rejoindre le cortège qui a défilé dans les rues de la capitale.
La préfecture de police a confirmé qu’une gendarme avait été blessée au visage lors de la manifestation parisienne. Peu après 18 heures, la police faisait état de 20 interpellations, de sept représentants des forces de l’ordre et de quatre manifestants blessés, ainsi que de sept interventions pour feux dans la capitale.
Les socialistes opposent une fin de non-recevoir à la Première ministre. Dans un communiqué, les présidents des groupes PS au Sénat et à l’Assemblée nationale, Patrick Kanner et Boris Vallaud, annoncent ce soir qu’ils ne se rendront à aucune réunion à Matignon pour discuter du futur calendrier des réformes, tant que le gouvernement n’aura pas retiré le texte.
Gérald Darmanin annonce que 111 personnes ont été interpellées en France et que 154 membres des forces de l’ordre ont été blessés aujourd’hui. « Plein soutien aux policiers, aux gendarmes, aux sapeurs pompiers qui protègent les manifestants et les biens publics comme privés », souligne le ministre de l’Intérieur.
Alors que plus de 200 cortèges se sont élancés partout en France au fil de la journée, des violences ont émaillé plusieurs d’entre eux, à l’instar des heurts et dégâts constatés dans la capitale, à Nantes ou encore à Lyon.
La Défenseure des droits, Claire Hédon, était bien présente avec des juristes dans la salle de commandement de la préfecture de police, invitée par le préfet Laurent Nuñez. Rappelons que ses services ont été saisis de « 90 » signalements pour des violences policières depuis le début du mouvement de contestation.
Nous évoquons les bilans des membres des forces de l’ordre blessés à lors de chaque journée de mobilisation. La semaine dernière, ma collègue Catherine Fournier s’interrogeait par ailleurs sur l’absence de bilan sur le nombre de manifestants blessés.
Alors que la police s’apprêtait à arrêter Laurence Peuron, journaliste à France Inter venue couvrir la manifestation, elle sort sa carte de presse. Comme dans le cas de notre reporter à la manifestation qui a été victime d’une embuscade où ils lui ont marché dessus. La violence de la police augmente et affecte les médias, comme on peut le voir. Comment réagira le ministre de l’Intérieur lorsque la rédaction portera plainte contre la police ?
La CGT du Bas-Rhin et deux députés de Strasbourg ont dénoncé des violences policières lors de la manifestation contre la réforme des retraites jeudi. « Le service d’ordre intersyndical a été violemment et délibérément agressé par la police », a affirmé dans un communiqué, avec photo et vidéo jointes, Laurent Feisthauer, responsable de la CGT 67.
« Alors que la manifestation était loin d’être finie, nous avons déroulé un cordon de service d’ordre pour éviter que la manif ne soit mise en danger. La police nous a alors chargé. Aspergé de lacrymogène. Puis grenade lacrymogène. Et nous a frappé à coup de matraque et de bouclier (…) Le responsable du service d’ordre intersyndical a été personnellement gazé, directement dans les yeux, alors qu’il tentait de négocier avec un chef de la police. »
Emmanuel Fernandes (LFI) et Sandra Regol (écologiste), ont eux aussi dénoncé des violences policières dans une lettre envoyée jeudi à la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier :
« Des élus, des familles, des collègues se trouvaient dans le cortège et ont subi pour certains des coups de matraque, pour d’autres des tirs de gaz lacrymogènes et ce, sans sommation. »
Nous espérons que nous aurons une réponse du ministre de l’Intérieur concernant les actes de barbarie utilisés par la police, avant que les droits de l’homme ne se prononcent.
Les syndicats ont appelé, jeudi 6 avril, à de nouvelles manifestations le 13 avril, la veille de la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites. Le secrétaire général de la CFDT espère que les Sages censureront « l’ensemble de la loi » le 14 avril.