Sébastien Lecornu suspend la réforme des retraites et présente un budget 2026 sous tension

Sébastien Lecornu
Le 14 octobre 2025, Sébastien Lecornu, Premier ministre français, jouait gros devant l’Assemblée nationale. Dans un contexte instable où son gouvernement reste menacé par des motions de censure, il a présenté le budget 2026 tout en annonçant la suspension de la réforme controversée des retraites de 2023 et en renonçant à l’usage du 49.3.
Un budget 2026 sous pression
Le budget combine maîtrise des dépenses et hausse de certaines taxes pour redresser les comptes publics fragilisés. Adoptés en Conseil des ministres, les projets de loi de finances (PLF) et de la Sécurité sociale (PLFSS) seront examinés avant le 31 décembre.
Le gouvernement prévoit un déficit « moins de 5 % » pour 2026, légèrement supérieur à la prévision initiale de 4,7 %, tandis que la croissance est estimée à 1 % (contre 0,7 % en 2025). Cette trajectoire complique le retour à un déficit de 3 % exigé par Bruxelles d’ici 2029. Le plan global prévoit environ 30 milliards d’euros d’efforts : 17 milliards d’économies et près de 14 milliards de recettes nouvelles. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) juge ces hypothèses « optimistes » et la cible de dépenses « très ambitieuse ».
Certaines dépenses prioritaires sont maintenues ou augmentées : Défense (+6,7 milliards), Intérieur (+600 millions), Justice (+200 millions). Les pensions et prestations sociales seront gelées, avec l’abattement de 10 % sur les retraites remplacé par un forfait de 2 000 euros. Le gel du barème de l’impôt sur le revenu et de la CSG rapportera 2,2 milliards. Par ailleurs, 23 niches fiscales jugées obsolètes ou inefficaces seront supprimées, générant 5 milliards d’économies, et plus de 3 100 postes de fonctionnaires seront supprimés.
Fiscalité et mesures pour les plus aisés
Le budget prévoit une contribution différentielle : un taux minimal de 20 % pour 20 000 contribuables, prolongé d’un an. Une nouvelle taxe sur 10 000 holdings patrimoniales rapportera 2,5 milliards, tandis que plus de 400 grandes entreprises contribueront pour 4 milliards via la reconduction d’une surtaxe sur les bénéfices. La CVAE, impôt de production, sera progressivement supprimée d’ici 2028.
Ces mesures illustrent un équilibre délicat entre volonté de renforcer les recettes de l’État et nécessité de ne pas freiner la croissance économique. La France, deuxième économie de la zone euro, subit la hausse de ses coûts d’emprunt depuis la dissolution de l’Assemblée en juin 2024, malgré un léger apaisement des taux après les annonces gouvernementales.
Retraites : suspension et coûts
Dans son discours de politique générale, Sébastien Lecornu a annoncé la suspension de la réforme des retraites de 2023, qui portait l’âge légal de départ à 64 ans, jusqu’à l’élection présidentielle de 2027. Aucun relèvement de l’âge ni modification de la durée d’assurance (restant à 170 trimestres) n’interviendra avant janvier 2028.
Cette mesure, d’un coût estimé à 400 millions d’euros en 2026 et 1,8 milliard en 2027, bénéficiera à 3,5 millions de Français et devra être compensée par des économies. Elle répond à la pression des socialistes et syndicats et permet au Premier ministre d’éviter, pour l’instant, une motion de censure portée par le RN et LFI.
Une Conférence sur les retraites et le travail sera organisée dans les prochaines semaines avec les partenaires sociaux pour réfléchir à l’avenir du système : retraite par points, capitalisation, retraite des femmes, pénibilité du travail et attractivité de certains métiers. Si un accord est trouvé, le gouvernement le transposera dans la loi ; sinon, les candidats à l’élection présidentielle feront leurs propositions. Les premières conclusions sont attendues au printemps prochain.
Focus Retraites : âge légal et durée d’assurance
- Suspension de la réforme 2023 jusqu’en janvier 2028
- L’âge légal de départ reste à 64 ans.
- La durée d’assurance reste à 170 trimestres pour toutes les générations concernées.
- Détails par génération :
- 1963 et 1964 : 170 trimestres au lieu de 171 prévus.
- Début 1965 : 170 trimestres au lieu de 172 initialement prévus.
- Bénéficiaires : 3,5 millions de Français
- Coût estimé : 400 millions € en 2026, 1,8 milliard € en 2027
Cette suspension garantit aux générations concernées de liquider leur retraite à taux plein sans décote, en conservant le nombre de trimestres initialement fixé avant la réforme.
Entre économie et stratégie politique
En renonçant au 49.3 et en suspendant la réforme des retraites, Lecornu tente de concilier redressement des finances publiques et apaisement d’une crise politique majeure. La manœuvre souligne l’importance pour le gouvernement de préserver sa stabilité politique tout en envoyant un signal fort aux marchés financiers et aux institutions européennes sur la maîtrise des comptes publics.
La France n’est pas seule dans ce défi : Bruxelles exige que tous les États membres de l’UE maintiennent un déficit public sous 3 % du PIB. Des pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas ont réussi à réduire leur déficit en combinant réforme des retraites et maîtrise des dépenses publiques, tandis que l’Italie et l’Espagne font face à des déficits plus élevés et à des contraintes de taux d’intérêt similaires à celles de la France. La Commission européenne suit de près Paris et pourrait demander à la France de renforcer encore ses mesures d’ici 2027 si la trajectoire budgétaire ne permet pas de respecter les règles du Pacte de stabilité et de croissance.
Comparaison européenne : PIB et croissance 2025
Voici un aperçu des prévisions de croissance du PIB pour 2025 dans les principaux pays de l’Union européenne :
| Pays | Croissance du PIB prévue (%) |
|---|---|
| Malte | 4,0 |
| Pologne | 3,2 |
| Roumanie | 3,0 |
| Chypre | 2,8 |
| Croatie | 2,5 |
| Hongrie | 2,4 |
| Luxembourg | 2,2 |
| Slovénie | 2,1 |
| Lituanie | 2,0 |
| Bulgarie | 1,9 |
| Espagne | 2,3 |
| Portugal | 1,3 |
| Belgique | 1,4 |
| Pays-Bas | 1,5 |
| Allemagne | 0,8 |
| France | 0,6 |
| Zone euro | 0,9 |
| Union européenne | 1,1 |
Ces chiffres montrent les écarts de performance économique au sein de l’UE : les pays d’Europe centrale et orientale affichent des taux de croissance plus élevés, tandis que la France et l’Allemagne se situent en dessous de la moyenne européenne.
Infographie finale : PIB, déficit et dépenses par pays de l’UE
Pour visualiser facilement la situation économique de la France par rapport à ses voisins européens :
- Axe vertical : Croissance du PIB (%)
- Axe horizontal : Pays de l’UE
- Barres : Croissance prévue
- Couleur : Déficit public (plus le rouge est foncé, plus le déficit est élevé)
- Points : Dépenses publiques totales en % du PIB
Ce que montre l’infographie :
- Les pays d’Europe de l’Est (Malte, Pologne, Roumanie) affichent des croissances supérieures à 3 %.
- Les grandes économies occidentales (France, Allemagne) restent sous la moyenne européenne, avec des déficits proches ou supérieurs à 3 %.
- Les pays nordiques et Benelux présentent un équilibre plus stable entre croissance et maîtrise du déficit.
Cette visualisation permet au lecteur de comprendre rapidement où se situe la France, tant sur le plan de la croissance que sur celui de la soutenabilité budgétaire, et pourquoi Bruxelles surveille de près son budget 2026.
Sébastien Lecornu navigue entre pression politique nationale et obligations européennes, avec un budget 2026 qui tente de concilier finances publiques, soutien aux classes moyennes et stabilité sociale, tout en préparant le terrain pour la prochaine élection présidentielle. La suspension de la réforme des retraites garantit le maintien de l’âge légal et de la durée d’assurance à 170 trimestres pour plusieurs générations, soulageant ainsi 3,5 millions de Français.
