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De la « Colline du Crack » à Stalingrad, les dérives de la drogue

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Le trafic de drogue, principalement du crack, drogue bon marché dérivée de la cocaïne a déménagé. Il ya 2 ans, la Préfecture a fermé la "Colline du crack", porte de la Chapelle (75018).

Le trafic de drogue, principalement du crack, drogue bon marché dérivée de la cocaïne a déménagé. Il ya 2 ans, la Préfecture a fermé la « Colline du crack », porte de la Chapelle (75018).

Les toxicomanes ont rejoint le nord-est de la capitale, de la Porte d’Aubervilliers à la place de la bataille de Stalingrad (75019)en passant par les jardins d’Eole. Autre lieu,  de Château rouge à la Chapelle (75010) où se trouve la première salle de shoot, rue Ambroise Paré, près de l’hôpital Lariboisière.

C’est dans cette zone, que toxicomanes et dealers se retrouvent, inquiétant la tranquillité et la santé des riverains. Ce phénomène a particulièrement augmenté depuis le début du confinement et la fermeture de certaines structures d’accueil.

Qu’est-ce que le crack?

Le crack est de la » junk drogue ». Peu cher (entre 10 et 15 euros le  « caillou » d’où l’on tire en moyenne 4 doses), facile à ­produire (il suffit de mélanger puis de chauffer la cocaïne avec du bicarbonate de soude), il est très addictif et il n’existe pas de produit de substitution. Tout cela en rend son succès facile auprès des consommateurs. Place Stalingrad, en est  le lieu de trafic depuis les années 1980.  Après un léger répit ces dernières années et le démantèlement en novembre 2019 de la  » Colline du crack » (porte de la Chapelle), les toxicomanes du Nord-Est parisien ont atterri vers Stalingrad. Le premier confinement a aggravé la situation.

La salle de shoot

L’expérimentation de 2 salles de shoot a commencé en 2016 à Paris et à Strasbourg. Ces deux 2 salles de consommation à moindre risque font le bilan après 5 ans, alors que le nombre des « crakers » a augmenté.

A Paris, l’an dernier, une seconde salle ouvrait à Marx Dormoy (75018), avec l’aménagement de 15 places dans un centre de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA).  Une salle de repos, Porte de la Chapelle, proposait 26 places. Elles emploient une quinzaine de salariés. Le tout utilise un budget de fonctionnement d’environ 1 million d’euros par an. Depuis son ouverture en décembre dernier, elle a accueilli près de 5 000 fumeurs de crack en situation de précarité.

Selon l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), en 2015, 10.000 usagers de crack fréquentaient les Centres d’accueil et accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues (CAARUD) franciliens, dont 8.400 à Paris et 1.000 en Seine-Saint-Denis.

Le plan crack

Avec l’augmentation du nombre des crackers, les endroits de « deal » ont aussi explosé  un peu partout.  Un plan « crack » d’une durée de 2 ans, a donc été décidé en mai 2019 en collaboration avec la ville, la préfecture de Paris et l’ARS (Agence Régional de Santé en Ile-de-France).

Il engage plus de 3 millions d’euros. Chaque année, un financement comparable est adapté à l’évolution des besoins au titre des années 2020 et 2021.

Composé de 33 propositions, il sert à mieux coordonner l’action menée par l’ensemble des acteurs en matière de lutte contre le crack.  Il propose une meilleure régulation de l’espace public et une politique coordonnée de réduction des risques et des dommages en faveur des usagers de crack et des poly-consommateurs en errance.Structuré en quatre objectifs, ce plan reste en cohérence avec le Plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2021 ainsi qu’avec la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté :

  1. accompagner les usagers pour réduire les risques et favoriser les parcours de soin
  2. renforcer les capacités d’hébergement et d’espaces de repos
  3. intervenir dans l’espace public à destination tant des usagers que des habitants
  4. améliorer la connaissance des publics concernés

Il faudrait des espaces de repos et de consommation dans les Centres d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues (CAARUD), selon la Mairie de Paris.

Une nouvelle salle à Bonne Nouvelle

Le plan a prévu un nouvel espace de repos à Bonne Nouvelle (10e) budgété 200.000 euros en 2020. En novembre dernier, une réunion a permis de définir les actions pour 2021. Elle a aussi permis de faire le bilan des 3 dernières années.

Addiction et hébergement d’urgence

La ville de Paris et la Mildica souhaiteraient créer plusieurs nouvelles salles de consommation, dans le cadre du plan crack, pour en faciliter l’acceptation par les riverains.

Depuis le début de l’année, 156 vendeurs ou consommateurs de crack ont été interpellés dans le 19e et la Brigade des Réseaux Ferrés a arrêté plus de 240 personnes liées au trafic de crack.

Le dispositif ASSORE prévoit hébergement et prise en charge médico-sociale. Il permet  l’accompagnement de 426 fumeurs de cracks qui se trouvaient à la rue dont des places d’hébergement en hôtel quasiment décuplées en deux ans.

En 2020, 1,7 million d’euros ont été investis pour l’accompagnement médico-social et 5 millions d’euros pour l’hébergement:

  • Création de 68 places en Unités d’hébergement spécialisées, une fois le foncier trouvé.
  • Renforcement des maraudes ont à hauteur de 260.000 euros par an « pour maintenir un passage quotidien de 5 équipes mobiles sur les sites en tension », malgré la crise sanitaire. Le mois dernier, la Préfecture de police a évacué 86 individus d’un tunnel désaffecté à proximité de la gare de Rosa Parks (19e) sur instruction du Ministre de l’Intérieur.

Depuis l’ouverture de la salle de Lariboisière, la ville de Paris et l’association de riverains « Action Barbès », en reconnaissent l’utilité. Les injections dans la rue et les intrusions dans les immeubles ont fortement diminué. L’arrivée de consommateurs de crack dans le secteur cause de nouveaux soucis.

Ras-le-bol des riverains

Les nuisances liées au trafic du crack  exaspèrent les riverains. Chaque soir à 20h00, les habitants de Stalingrad (75019) tapent sur des casseroles comme ils le faisaient en soutien au personnel hospitalier au début de la crise sanitaire. Cette fois, c’est pour attirer l’attention sur  l’enfer qu’ils vivent. Cet endroit, déjà réputé pour le trafic de drogue, abrite désormais, des centaines de consommateurs de crack .

Durant le week-end du 1er mai, des riverains du quartier Stalingrad ont tiré des dizaines de mortiers  en direction des « crackers », avenue de Flandre. Chaque nuit, ils subissent la présence nuisible de centaines de toxicomanes. Une enquête est en cours et depuis, des forces de police stationnent sur les lieux

Le 12 mai, ils ont manifesté leur colère, ne supportant plus les nuisances liées à la consommation de crack, dénonçant l’inaction des pouvoirs publics dans le combat contre le trafic de drogue.

Dans le nord de Paris, le parc Éole n’accueille plus depuis longtemps les jeux pour enfants et les promenades en famille. Chaque jour, 200 consommateurs de drogue, errent sur les pelouses sous l’ emprise de la drogue. Tous fument du crack, dérivé de cocaïne, entraînant une forte addiction et de profonds troubles psychologiques.

Cris et bagarres entre toxicomanes rythment la vie des habitants du quartier qui n’ont plus envie de sortir. Ils en ont marre de se faire « taxer » du fric.

Réactions de la mairie

La mairie souhaiterait « un maillage territorial » dans le nord-est de la capitale avec « des petits espaces plutôt que de grosses structures » et un espace mobile : un camion équipé pour aller à la rencontre des plus isolés.

Le début de l’avenue de Flandre, devant le siège de la Cramif (caisse régionale d’assurance-maladie d’Île-de-France), est désormais le lieu où trafiquants et consommateurs se réunissent chaque soir dès que ferme le ­jardin d’Eole, où les fumeurs de crack passent la journée. La bouche de métro Stalingrad est impraticable entre 21h et 6h. Des dizaines de toxicos en manque y pratiquent la mendicité agressive. Les drogués se battent à coup de machette ou se soulagent sous les fenêtres des riverains qui n’hésitent pas à verser des seaux d’eau sur eux.

François Dagnaud, maire du 19e arrondissement, déplore que l’endroit soit  devenu depuis un an « le sanctuaire européen du crack, avec une file active de 200 trafiquants et consommateurs ».

Les mesures prises

De nombreux élus reprochent son inaction à la Préfecture de police de Paris. Le trafic, tenu par des filières ouest-africaines, s’opère à la vue de tous. Hors les interdictions de paraître ou les injonctions de soins, la justice est, quant à elle, à peu près impuissante.

Le « plan crack n’a pas atteint ses objectifs, selon Nicolas Nordmann, adjoint à la sécurité de la ville de Paris.

Depuis un an,  la lutte contre le trafic de crack s’est intensifiée:

  • Equipes patrouillant 24 heures/24 sur la place Stalingrad et à ses abords
  • Aménagements urbains (bancs retirés pour éviter que les consommateurs stagnent, éclairage public amélioré pour faciliter le travail des fonctionnaires sur le terrain.
  • Informations judiciaires régulièrement ouvertes pour tenter d’identifier les principaux acteurs.
  • Depuis le mois de juin 2020, les consommateurs interpellés sont systématiquement déférés . Ils  doivent suivre une injonction thérapeutique assortie d’une interdiction de paraître dans le nord-est parisien.

Les narcotrafiquants et la crise sanitaire

Au début de la première crise sanitaire en mars 2020, le trafic de drogue a du réorganiser ses réseaux d’approvisionnement et de distribution. Malgré les pertes au début, il a su reprendre sa place. Le trafic de drogue en France génère une activité évaluée à près de 2,7 milliards d’euros par an. Cela représente un peu plus de 0,1 point de PIB. Sur ces 2,7 milliards, le trafic de cannabis génère 1 million d’euros et celui de la cocaïne, 800 millions d’euros. Contrairement, la prostitution n’est pas incluse dans le calcul du PIB, à l’opposé de certains pays d’Europe.

En route vers un nouveau plan crack

Depuis le 17 mai, la place Stalingrad est interdite aux « crackers ». Ils sont cantonnés au jardin d’Eole et à la rue Riquet.

Ce dispositif prévoit un renforcement des patrouilles de police de jour comme de nuit. Elles empêchent les toxicomanes de stagner sur cette place, au pied des immeubles d’habitation.

Le nouveau plan crack, élaboré par la préfecture de police et la mairie, prévoit de laisser la possibilité aux usagers, estimés à près de 150 dans le quartier, de rester jusqu’à 1 heure du matin (au lieu de 20 heures) dans le parc des Jardins d’Eole, situé à environ 500 mètres de la place Stalingrad. Passé 1 heure du matin, les consommateurs de crack, en majore partie SDF, sont cantonnés dans la rue Riquet qui borde le parc puis enjambe les voies ferrées.

Cette mesure tient compte de l’exaspération des riverains. Ils ne dorment plus à cause des hurlements et des règlements de compte… Toutefois, cet ajustement n’est que provisoire. Il ne vise pas à lutter contre le trafic mais à ramener de la sérénité autour de la place Stalingrad. Les distributions alimentaires et de seringues par les associations au niveau de la place, sont interdites. Elles pourront toujours avoir lieu aux Jardins d’Eole.

Un rapport de l’Inserm et l’OFDT recommande l’ouverture de structures d’accueil de jour comme de nuit pour les usagers de crack. Il prévoit également 4 salles d’inhalation à l’image des « salles de shoot » pour limiter la consommation dans l’espace public et de mieux encadrer la prise en charge. Toutefois, les autorités policières et judiciaires craignent la création de lieux de fixation des toxicomanes.

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